“Hmm… pas
ce soir chéri, j’ai la migraine”… tels ont été les mots prononcés par ma chère
et tendre hier soir, suite à ma proposition de faire une partie de Troyes.
La
déception fût grande. Quelques minutes plus tôt, je venais de lire un post de
Pearl Games annonçant enfin la réédition de Troyes. Aucune date ni aucun détail
sur le packaging : boîte de base ou un combiné base + extension, mystère
pour le moment mais ça y est, le désespoir de nombreux fans a enfin été
entendu. Evidemment, à la lecture de cette micro info, mon sang n’a fait qu’un
tour, je me suis levé, j’ai ouvert l’armoire, pris le fameux précieux et je me
suis retourné vers ma moitié avec le regard le plus mielleux dont j’étais
capable. Peine perdue…
Aux
grands mots, les grands moyens, j’appelle l’équipe des DJUF et en avant pour
une partie de Troyes !
Mais au fait, Troyes, c’est quoi ?
C’est
une bombe ! Une bombe ludique éditée par Pearl Games en 2010 (ouaip, ça
commence à dater !), co-créée par Sébastien Dujardin (Deus), Xavier
Georges (Carson City, Gingkopolis) et Alain Orban (Santy Anno). L’année
suivante, ce même trio allait nous pondre Tournay, un autre excellent jeu de
Pearl Games trop souvent oublié malheureusement. A l’illustration, on retrouve
Alexandre Roche qui sévira également dans Tournay et Bruxelles 1893 (oui, oui,
souvenez-vous, on vous en parlait ici).
As d’Or 2011 à Cannes, Troyes reçut également le Tric Trac d’Or de la même
année. Quasiment introuvable à l’heure actuelle, on ne peut se réjouir à
l’annonce de cette réédition.
Mise en place en début de partie |
L’action
se passe en l’an 1200, nous sommes de riches familles qui allons essayer
d’asseoir notre influence sur trois domaines d’activités : le civil, le
militaire et le religieux, à l’aide d’ouvriers matérialisés par des dés.
Bref, mais comment ça marche, alors ?
En début
de partie, en commençant par le premier joueur, nous allons placer, tour à
tour, nos travailleurs sur les différents quartiers de la ville. Cela
déterminera le nombre de dés que vous lancerez à chaque tour, ce sera votre
force de travail.
Ca à l’air
simple mais évidemment, ça ne l’est pas ^_^ Le quartier de l’évêché (Blanc),
vous permettra de construire la cathédrale ou de combotter avec vos dés ;
le quartier militaire (Rouge), vous permettra de combattre plus facilement les
évènements et d’empocher des points de victoire ; et le quartier civil
(Jaune), vous permettra, quant à lui, de vous assurer un certain revenu.
Un
tour est divisé en 5 phases : Revenus et Salaire, Rassemblement des Forces, Evènements,
Actions et Fin de Tour.
Les 2
premières phases sont très rapides : vous recevez 10 deniers et vous payez
les ouvriers que vous avez placé dans les différents quartiers (tout travail
mérite salaire). Ensuite, chaque joueur lance ses dés qu’il place dans sa zone
du plateau. Voilà, on peut passer aux choses sérieuses maintenant :
Les évènements :
L’an
1200, ce n’était pas l’époque des Bisounours donc forcément, il y avait pas mal
de mauvaises choses qui arrivaient et il était de votre devoir d’aider les
pauvres villageois à surmonter les difficultés. A chaque tour, deux évènements
seront ajoutés au jeu et on résoudra ces cartes dans leur ordre d’arrivée. Ca
pourra être de défausser 3 sous, retirer un cube de la cathédrale ou virer un
ouvrier d’un quartier, bref, des choses bien ennuyantes pour tout le monde. Ensuite,
le premier joueur lancera un nombre de dés noirs égal à la somme des dés noirs
représentés sur les cartes évènements présentes sur le plateau. Le premier
joueur doit maintenant combattre le(s) dé(s) noir(s) de plus haute valeur en
défaussant autant de dés (de sa zone de jeu) qu’il le souhaite afin d’obtenir
la valeur du dé noir. Avoir des dés rouges peut s’avérer utile puisque pour
cette phase, les dés rouges valent le double de leur valeur. Ensuite, si il y a
plusieurs dés noirs, on continue dans le sens du tour jusqu’à l’élimination de
la menace.
Les actions :
Les
actions vont être réalisées à l’aide de lots de dés que vous constituerez avec
vos dés et/ou ceux de vos adversaires. Vous devrez, en effet, créer 1 lot de
dés composé de 1 à 3 dés de même couleur. La subtilité est que vous aurez la
possibilité d’acheter des dés à vos adversaires (et ça va couiner,
croyez-moi !) et la somme que vous leur verserez dépendra de la taille de
votre lot. Celui-ci vous servira, alors, à réaliser l’une des cinq actions
suivantes :
Activer une
carte : Sur
chaque quartier de la ville, il y a des cartes activités qui peuvent être
activées à l’aide des dés afin de
pouvoir bénéficier du pouvoir de la carte. Comme prérequis, vous devez avoir un
de vos travailleurs sur l’une des cases prévues à cet effet (en payant le coût
demandé, évidemment). L’activation vous demandera à chaque fois de diviser la
somme totale de votre lot de dés par un chiffre arbitraire indiqué sur la
carte. Le résultat vous donnera le nombre de fois que vous pourrez utiliser le
pouvoir. Exemple : ici, le
joueur vert décide d’activer la carte « Prêtre », pour cela, il doit
payer 6 deniers afin d’y placer un ouvrier sur la première position disponible
(il empochera 3 points de victoire en fin de partie) et maintenant, il peut
utiliser son lot de deux dés blanc pour activer la carte : 10/3, le joueur
vert pourra activer 3 fois ce pouvoir)
Construire la
cathédrale :
Vous pourrez utiliser votre lot de dés (blanc pour l’occasion) afin de
participer à la construction de la cathédrale. Vous jouez un lot de deux dés,
un 3 et un 6, vous placez simplement 1 cube de votre couleur dans la colonne
correspondante sur la première place disponible et vous empochez la récompense.
Attention, le joueur qui n’aura pas participé correctement à la construction
perdra des points de victoire en fin de partie. On ne rigole pas avec
l’église !
Combattre les
évènements :
Sur chaque carte évènement est indiqué la couleur du lot de dés que le joueur
peut utiliser pour la neutraliser. Exemple :
A chaque fois que vous placez un cube, vous gagnez un point d’influence. Si on
complète la carte, le joueur majoritaire (en cubes) empoche la plus haute
valeur de points de victoire et gagne la carte.
Placer un ouvrier
dans un bâtiment principal : L’action la plus vicieuse. Il vous reste un
malheureux dé rouge de valeur 1 et ne vous savez pas quoi en faire ? Et
bien pourquoi ne pas dégagez l’ouvrier d’un autre joueur présent sur la case 1
du quartier rouge et prendre sa place avec votre ouvrier ? Vous gagnez un
dé supplémentaire à lancer pour le tour suivant et vous avez privé votre
adversaire d’un dé. Simple, efficace, rageant. Pour les quartiers blanc et
jaune, c’est le même principe, mais on va pousser la ligne complète. Il faudra
donc y songer lors du placement initial en début de partie !
Exploiter
l’agriculture : Dernière action possible et certainement la moins utilisée de toutes.
Avec votre lot de dés jaunes, vous pouvez diviser la somme totale par 2 et
gagner cette valeur en deniers. Clairement, une solution de secours.
Enfin,
lorsque vous êtes à court d’idée, vous pouvez passer et amasser quelques
deniers en regardant les autres continuer à jouer.
A la fin
du tour, on récupère tous les ouvriers qui ont été éjectés des quartiers et on
passe à un nouveau tour.
Et comment je gagne, une fois ?
En fin
de partie, on compte tous les points de victoire amassés lors de la partie
grâce aux cartes évènements ou aux cartes activités. On ajoute les points de
victoire attribués aux ouvriers placés sur les cartes activités. On pénalise
les joueurs n’ayant pas suffisamment contribué à la construction de la
cathédrale et enfin, chacun révèle son objectif secret. Car oui, je n’en avais
pas encore parlé mais chaque joueur recevra en début de partie un objectif
secret : amasser de l’argent, de l’influence, détruire un maximum de
cartes évènements, etc. Mais attention, vous ne serez pas le seul à scorer
votre objectif secret, tous vos adversaires gagneront des points si ils
respectent les conditions indiquées. A vous de brouiller les pistes.
Henry nous permettra de scorer
suivant le nombre de cartes évènements que nous aurons réussi à gagner et
Thibaut nous permettra d’empocher 6 points de victoire si nous amassons
suffisamment d’argent en fin de partie.
L’influence
Il me
reste à vous parler d’une chose : la piste d’influence ! Parce que
lancer des dés, c’est cool, c’est fun mais c’est très hasardeux ! Pour
limiter ce hasard, les auteurs ont établi une échelle d’influence qui est
extrêmement utile tout au long de la partie car elle vous permettra de relancer
un dé (pour 1 point d’influence) ou retourner de un dé à trois dés sur leur
face opposée (pour 4 points d’influence).
Mais pourquoi est-ce que je le trouve si bon ?
Disons
qu’il faut se remettre dans le contexte, alors on monte dans la DeLorean et cap
sur l’année 2010.
En cette
année, les jeux de gestion à base de dés n’étaient pas légion, on les comptait
sur les doigts d’une main. De mémoire, le seul auquel j’ai pu jouer était
Kingsburg sorti en 2007. Il y en avait peut-être (sûrement ?) d’autres
mais ils sont clairement passés sous mon radar. Alors, imaginez ma réaction
lorsque j’ai découvert Troyes : un jeu avec une interaction de malade, un
renouvellement constant grâce aux cartes activités, une belle courbe de
progression et un système de contrôle sur le hasard des dés qui m’a littéralement
scotché. C’était la première fois que je voyais ça dans un jeu… c’est un peu
comme si vous buviez depuis toujours de la Jupiler et qu’un jour, vous
découvriez la Westmalle Triple ! Bref, on peut parler d’un avant et d’un
après et c’est clairement la sensation que j’ai eu avec Troyes.
Depuis,
cette mécanique de gestion de dés s’est grandement popularisée et si vous
voulez en savoir un peu plus sur la chose, je vous renvoie à l’excellent
article paru sur Ludovox en début d’année : ici
Le jeu a
eu beaucoup de succès, au point que les auteurs ont décidé de sortir une
extension : Les Dames de Troyes. Une extension non-nécessaire mais
néanmoins, très efficace qui ne dénature en rien le jeu et qui offre encore
plus de possibilités (du coup, elle est à conseiller aux joueurs maîtrisant
déjà bien le jeu de base). Je ne rentrerai pas dans le détail de cette
extension, ce n’est pas le but de cet article mais on y trouvera quelques
modules que vous pourrez ajouter comme bon vous semble au jeu de base : de
nouvelles cartes activités, un dé « Chef de Famille » non-achetable
par vos adversaires, etc.
En résumé,
Pour
moi, Troyes, c’est un MUST-HAVE dans une ludothèque de
bons gros joueurs aimant les jeux de gestion. C’est un jeu dense,
touffu. Il demande un certain investissement car la première partie est souvent
biaisé par la non-maîtrise de la piste d’influence ou encore par la possibilité
d’acheter les dés de ses adversaires. Il faut aussi quelques tours pour
s’adapter aux cartes et à l’iconographie qui n’est pas très claire pour
certaines cartes. Et
si jamais, vous n’avez pas le cœur à attendre la ré-édition, vous pouvez
toujours vous ruer sur la version en ligne disponible sur BoardGameArena.
Points
forts :
- L’aspect graphique auquel j’adhère complètement
- La rejouabilité inouïe
- Des dés, j’aime lancer des dés
- La façon dont on peut contrôler ces fameux dés (la piste d’influence, bravo pour l’idée et la mise en application)
- Le fait qu’on puisse acheter les dés de ses adversaires
- Le côté « semi-coopératif » concernant les évènements
- Excellent à 2 joueurs
- L’introduction du dé « Chef de Famille » provenant de l’extension
- Les interrogations face aux pouvoirs de certaines cartes
- L’iconographie qui déroute au début
- A 4 joueurs, le dernier joueur subit énormément
- La quasi obligation de jouer avec le dé « Chef de Famille » tellement il peut être rageant de voir tous ses dés disparaître sans que l’on ne puisse rien faire
- Après 2 heures de jeu, il devient compliqué de calculer 14/4 ;o)
Merci de m’avoir lu,
Al
Fiche technique :
Auteur : Sébastien Dujardin, Xavier Georges, Alain Orban
Illustrateur : Alexandre Roche
Editeur : Pearl Games
Joueurs : 2 à 4
Age : 12+
Durée : > 90 minutes
Illustrateur : Alexandre Roche
Editeur : Pearl Games
Joueurs : 2 à 4
Age : 12+
Durée : > 90 minutes